Auxiliaire de recherche, candidate au bacalauréat en arts visuels, ULaval.
État actuel de la recherche en textile
Le présent recensement permet d’établir l’état de la recherche actuelle en textiles. Les sources choisies témoignent de recherches effectuées entre 2007 et 2021. Les enjeux principaux actuellement dans la recherche textile sont :
- La réduction des déchets produits et de l’empreinte écologique dans la chaîne de production
- La création de textiles pour les milieux extrêmes
- Le développement de nouvelles structures pouvant être réalisées grâce aux nouvelles technologies de prototypage
- L’optimisation de circuits souples pour créer des textiles intelligents
Les résultats de recherche ont été classés par catégories :
- Architecture souple
- Nouvelles fibres organiques / biotechnologies (à partir de matières vivantes)
- Impression 3d : Nouvelles structures textiles
- Textiles intelligents
Architecture souple
L’architecture souple est utilisée par les peuples nomades depuis toujours. Les avantages d’une architecture souple est qu’elle est facilement compactable, transportable et plus légère qu’une architecture rigide. Le défi dans l’architecture souple est de s’assurer qu’elle soit résistante aux éléments et qu’elle puisse offrir un certain niveau de confort. La souplesse de l’architecture est entendue comme la capacité d’un bâtiment à changer de vocation et/ou comme étant une structure construite avec des matériaux souples.
Dès les années 40, les architectes commencent à s’intéresser à l’architecture textile et l’utilisent pour questionner la nature monolithique du bâtiment et pour envisager l’architecture comme quelque chose de vivant qui pourrait être mobile. (Mazzola et Liuti, 2018, p.5)
Architecture gonflable
Tente, Heimplanet, Maverick (2021) :
- À la fois une architecture gonflable et géodésique
- Une structure gonflable remplace les tiges habituelles de la tente
- Structure compacte et légère
- Elle pourrait être combinée à des textiles techniques (textiles chauffants, conducteurs, solaires...)
- Structure géodésique résistante à des vents de 180 km/h
- Le modèle Mavericks sur la photo est la plus grosse tente de cette gamme, elle pèse 25kg (13m^2 de superficie)
- La plus petite tente pèse 2,5kg
Airshell (2017) :
- Une architecture géodésique modulaire qui se forme sur un gabarit gonflable. La structure est plus ou moins haute selon le niveau de gonflement du gabarit.
- La structure gonflable temporaire facilite le montage de la structure.
- La structure est probablement pliable pour un rangement compact et la forme gonflable aussi.
Structures déployables / assemblages modulaires
Tentes/habitations modulaires Archinoma (2009):
- Structure avec tubes rigides et tentures entièrement reconfigurable à chaque nouvelle installation
- Solidité garantie peu importe la configuration grâce à la structure en tétraèdre
- Adaptable à l’environnement
- Matériaux de recouvrement interchangeables : Nylon, polycarbonate ou bois
- Shelest joint : Possible de connecter 14 arrêtes à un joint
- Projet entièrement conçu autour de notions mathématiques : Triangle de Sierpiński, fractales, l’octangle étoilé et les illusions d’optique qui en découlent.
Structures déployables / Origami, pliable
Les vêtements de Issey Miyakey (Projet 132 5, depuis 2007):
- Inspiré de Jun Mitani (Professeur à l’Université de Tsukuba, Ingénieur au Computational Geometry and Graphics Lab)
- Création du Reality Lab avec Manabu Kikuchi (textile engineer) et Sachiko Yamamoto (pattern engineer)
- Pièces d’abord conceptualisées grâce à un logiciel conçu par Jun Mitani
- Pièces facilement repliables, légères et compactes
La recherche sur les fibres faites à partir de matières organiques renouvelables cherche surtout à réduire l’empreinte écologique dans la chaîne de production textile. Aussi, certaines fibres sont convoitées pour leurs qualités démontrées dans la nature, notamment le fil d’araignée pour sa solidité et divers organismes pour leurs propriétés phosphorescentes. Les recherches de Neri Oxman se situent aussi dans cette catégorie.
L’industrie met en garde le public contre les effets néfastes potentiels du bio-engineering alors que les chercheurs du domaine défendent que leurs processus sont sécuritaires pour les organismes vivants et pour l’environnement. Il faut rester critique face à ces nouvelles avenues de recherche, mais il semble que les mises en gardes de l’industrie sont à remettre en doute car elle doit tenter de préserver sa place dans le marché
Bio-Ingénierie, nouvelles fibres
Voici plusieurs nouveaux matériaux issus des recherches sur la création de fibres écologiques. Pour un recensement plus complet, voir ce lien:
- Plastique naturel (polymère) fait de méthane provenant de fumier
Orange Fiber (depuis 2014):
- Textiles faits avec les rebuts de l’industrie du jus d’orange
Nouvelles transformations de matériaux naturels
Algiknit (depuis 2017):
- Fibre faite à partir d’algues
Neri Oxman
Le Mediated Matter Lab du MIT dirigé par Neri Oxman se penche sur la question des nouveau matériaux biologiques et renouvelables. Elle a inventé l’expression « Material Ecology » pour parler de son travail. Elle s’intéresse aux relations de symbioses entre le construit, les nouvelles technologies et la nature. Elle utilise généralement les nouvelles technologies et le CAD en début de projet pour générer ses formes, souvent en suivant des algorithmes et une logique inspirée de la nature, puis l’étape de la fabrication est ensuite réalisée grâce à des techniques propres aux organismes vivants.
Exposition au MoMA.
Pavillon de soie (en cours):
- Méthode de fabrication avec des vers à soie qui ne sont pas maltraités dans le processus
- Les vers à soie se déplacent sur une structure de fibres très ajourées et créent un revêtement
- Pas de perte de matériaux
- « Impression » avec les vers à soie
Impression 3d : Nouvelles structures textiles
L’impression 3d permet de créer de nouveaux types de structures textiles. La fabrication additive pourrait permettre de mettre en forme des matières qui ne pourraient être transformée selon les techniques textiles traditionnelles (filage, tissage, tricot…). L’avantage de l’impression 3d est que la matière extrudée peut être organisée en petits modules qui sont déjà entrelacés les uns aux autres dans l’impression.
Structures en « feuille » et filets
Structure linéaire, plane, à la façon d’une feuille. Pas créée en logique de modules entrelacés.
DefeXtiles (2020) :
- Structures et motifs créés par un glitch – apport de matière non-constant
- Création de motifs à la manière de la dentelle
- Extensible
Mesh, applications médicales (2019) :
- Biomécanique : Structures faite pour qu’une articulation bouge uniquement dans le bon sens. Exemple : prévention des entorses
- Une structure gonflable remplace les tiges habituelles de la tente
- Structures auxétiques : “…patterns that become wider when you pull on them. For instance, they were able to print meshes, the middle of which consisted of structures that, when stretched, became wider rather than contracting as a normal mesh would.”
Structures modulaires entrelacées
La structure est imbriquée déjà à l’impression; il n’est pas nécessaire d’assembler les modules. Il est possible d’utiliser cette technique pour faire des surfaces ou des objets.
Nervous system, Kinematics dress (2014):
- Robe entièrement assemblée dans l’impression 3D
- Powder bed fusion : Matière en poudre, solidifiée par laser
Digits2Widgets (2014):
- Surface composées de modules entrelacés
- Selon la documentation trouvée, l’une des meilleures options en termes de souplesse
Autres technologies
La designer Iris Van Herpen utilise la découpe laser, l’impression 3d et les champs magnétiques pour développer des nouvelles approches en haute couture. Inspirée de la science-fiction, elle s’intéresse à la notion d’hylozoïsme, l’idée qu’il y a de la vie en toutes choses. Lien :
Les textiles intelligents sont des tissus qui agissent comme capteurs pour enregistrer et transmettre des informations. Ils peuvent aussi réagir en réponse aux informations captées. La recherche actuelle vise surtout la création de vêtements qui peuvent renseigner sur l’étant de santé du porteur ou encore à s’adapter à des conditions de vie extrêmes. Les textiles intelligents sont des dispositifs qui accompagnent, qui aident leur porteur dans l’accomplissement de certaines tâches. Ces textiles ont besoin d’un apport en énergie, de matériaux conducteurs et de diverses composantes électroniques pour fonctionner. Les recherches actuelles cherchent à trouver des solutions pour rendre cette charge technique plus souple et légère. Si le textile intelligent est encombrant, il n’accomplit pas vraiment son objectif qui est de faciliter la collecte de données ou d’augmenter le confort du porter.
Systèmes à intelligence passive
Ces systèmes agissent comme des capteurs qui collectent des données. Celles-ci sont analysées et stockées ailleurs que dans le système. Le système ne peut pas réagir face à ces données, mais on peut envisager que les informations soient transmises par exemple à une équipe médicale qui peut répondre aux données recueillies.
Collecte de données biomédicales:
- Projet de recherche de l’Université Laval
- Intégration au tissage d’une fibre qui agit à la fois comme capteur et comme antenne. Les données recueillies sont ensuite partagées par réseaux wifi.
- L’équipe de scientifique a créé plusieurs variations de cette même fibre. Chaque version de la fibre permet de capter des données différentes : Taux de glucose, rythme cardiaque…
Textiles solaires:
- Projet de collaboration entre l’artiste Marianne Fairbanks et la chimiste Trisha Andrews à l’Université de Madison (Wisconsin).
- Création d’un textile qui capte l’énergie solaire et qui est conducteur d’électricité grâce à des encres conductrices et d’autres enduits.
- Le défi dans l’application de ces enduits sur les textiles est que la surface des textiles est très poreuse et texturée comparée au verre et au papier.
- L’armée américaine est très intéressée par le projet et souhaiteraient développer des tentes solaires.
- Le projet permet de rendre souple et facilement transportable la technologie solaire (à l’opposé des panneaux solaires).
Systèmes à intelligence active
Ces systèmes recueillent des données, les analysent et réagissent à celles-ci.
Ying Gao:
- Artiste de Montréal.
- Travail mettant en valeur le vêtement comme zone intermédiaire entre le corps et le monde. Les vêtements qu’elle crée répondent à toutes sortes de stimuli et ils matérialisent de façon poétique l’expérience du corps dans divers environnements.
- Dans le projet Incertitudes, l’orientation des aiguilles est animée par la voix.
Alliage à mémoire de forme (AMF)
Définition de Wikipedia : « …la capacité de garder en mémoire une forme initiale et d'y retourner même après une déformation, la possibilité d'alterner entre deux formes préalablement mémorisées lorsque sa température varie autour d'une température critique, et un comportement superélastique permettant des allongements sans déformation permanente supérieurs à ceux des autres métaux. »
Université du Minnesota :
- Vêtements tricotés à partir d’AMF qui se moulent au corps uniquement grâce à la chaleur du corps. Textile intelligent sans composante électronique ni électrique.
MIT :
- Textiles qui changent de forme pour se mouler au corps lorsqu’un influx électrique y est envoyé. Développement d’un space suit (BioSuit)qui agit comme dispositif de compression et comme exosquelette dans le but de protéger les astronautes et aussi de faciliter leurs mouvements.
Matériaux conducteurs souples
Graphène :
- Le graphène s’obtient en tranchant une très mince couche de graphite, de façon à ne conserver qu’une seule couche de sa structure moléculaire.
- Cette structure peut ensuite être recomposée de façon à augmenter la rigidité du matériau.
- Ce développement de nouveau matériaux a gagné le prix Nobel en 2010.
Applications textiles:
- Le matériau peut aussi être transformé en fibre et en tissu.
- Il est hautement conducteur et pourrait servir à alimenter des composantes électroniques.